Immeuble au Vieux-Port
185 logements et commerces Zoom de l'album 42 à 66, quai du port
Dans leur jeunesse Fernand Pouillon et son meilleur ami le céramiste Philippe Sourdive aimaient par-dessus tout braver cet interdit : escalader la charpente de fer du pont transbordeur qui enjambait le port de Marseille (voir album de photographies d'archives) et depuis le tablier, contempler le paysage du port. L'attachement de Fernand Pouillon au port de Marseille, à son histoire, son caractère, et à son devenir fut décisif. Il conte dans les " Mémoires d'un architecte " (ed. du Seuil, 1968) comment il lutte contre ce qui lui paraît être un désastre annoncé pour la reconstruction du Vieux-Port et comment il finit par obtenir, avec la bienveillance d'Auguste Perret, la commande de la réalisation des immeubles répartis sur près de quatre cent mètres de long de part et d'autre de l'Hôtel de Ville. Depuis le quartier du Panier en allant vers le quai, grâce aux vues, perspectives et passages ménagés vers le port, vers Saint-Victor et Notre-Dame de la Garde, la suite d'immeubles avec ses façades " arrière " sans relief est vécue comme un élément perméable, sans grande importance. En revanche, côté quai, c'est-à-dire côté sud, l'appareillage massif en pierre blonde du Pont du Gard, les arcades puissantes à rez-de-chaussée, les plafonds à caisson en terre cuite orange en sous-face des arcades, des loggias et des toitures, les céramiques émaillées de couleur noir mat réalisées par Philippe Sourdive pour les garde-corps des loggias, même les pommes de pins des garde-corps en serrurerie, prennent tout leur relief dans la lumière incessante, vibrante et changeante du soleil et de l'eau du port. C'est probablement l'une des clefs de leur qualité urbaine: les façades concilient deux natures, l'une urbaine, l'autre balnéaire, et réunissent deux expressions, l'une grave et austère, l'autre aimable et plaisante. Aux piles de pierre l'urbanité, la centralité, l'attraction, la puissance, aux détails principalement exprimés dans les loggias, l'amabilité, la plaisance et le charme. Cette ambivalence n'est peut-être pas loin de refléter celle de la ville elle-même, et celle du projet à cette époque, au centre des débats et des conflits d'intérêts, au centre de la vie portuaire, au centre de la troisième ville de France, mais au bord de la mer, des bateaux, de la criée, baignés de soleil, si proches des calanques, de leurs anfractuosités et de leur merveilleuses matières. C'est avec cette formidable capacité d'intuition des lieux et des sensibilités humaines qui y sont liées que Fernand Pouillon inscrit cette réalisation au cœur de Marseille. Le 16 décembre 1993 un arrêté a inscrit les façades et les toitures de l'immeuble situé à l'est de l'Hôtel de Ville au titre des monuments historiques. Pourtant, bien plus qu'un unique immeuble, c'est un geste urbain tout entier qui a protégé le Vieux-Port de Marseille. Ce geste, autrement dit cet ensemble, mériterait d'être protégé à son tour. |